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Mes prières, mes enseignements, mes objections, même mes trahisons sont restés sans effet. Alendi a d’autres conseillers désormais, qui lui disent ce qu’il veut entendre.

 

Description : 079

 

Brise cherchait à se convaincre qu’il ne se trouvait pas en plein milieu d’une guerre. Mais il n’y parvenait guère.

Il était perché en selle à la limite de la cour de la Porte de Zinc. Les soldats remuaient dans un cliquetis métallique, alignés devant les portes, où ils attendaient tout en regardant leurs compagnons au sommet des remparts.

Les portes résonnèrent sous les coups. Brise eut un mouvement de recul, mais ne cessa pas d’apaiser les hommes pour autant.

— Soyez forts, murmura-t-il. La peur, l’incertitude – je peux les éliminer. La mort va peut-être franchir ces portes, mais vous pouvez la combattre. Vous pouvez gagner. Soyez forts…

Le laiton s’attisait au creux de son estomac tel un feu de joie. Il avait depuis longtemps épuisé le contenu de ses flacons et entrepris d’enfourner des poignées de poussière de laiton avec des gorgées d’eau, dont il disposait en quantité régulière grâce aux messagers de Dockson.

Combien de temps tout ça peut-il durer ? se demanda-t-il en s’épongeant le front sans cesser d’apaiser les soldats. L’allomancie, fort heureusement, n’était pas trop exigeante pour le corps ; le pouvoir allomantique provenait des métaux eux-mêmes, pas de ceux qui les brûlaient. Pourtant, l’Apaisement était bien plus complexe que les autres talents allomantiques et exigeait une attention constante.

— Peur, terreur, anxiété…, murmura-t-il. Le désir de s’enfuir ou de renoncer. Je vous retire tout ça…

Il ne lui était pas nécessaire de parler, mais il avait toujours procédé ainsi – ça l’aidait à rester concentré.

Au bout de quelques minutes supplémentaires passées à apaiser les hommes, il consulta sa montre à gousset, puis fit faire demi-tour à son cheval et rejoignit au trot l’autre côté de la cour. Les portes résonnaient toujours violemment, et Brise s’épongea de nouveau le front. Il remarqua, mécontent, que son mouchoir était presque trop trempé pour être d’une quelconque utilité. L’humidité ferait adhérer la cendre à ses habits, et son costume serait irrémédiablement abîmé.

Le costume sera abîmé par ton sang, Brise, se dit-il. Le temps de l’insouciance est terminé. Cette fois, c’est sérieux. Beaucoup trop. Comment as-tu seulement atterri ici ?

Il redoubla d’efforts et apaisa un nouveau groupe de soldats. Il était l’un des allomanciens les plus puissants de l’Empire Ultime – surtout en matière d’allomancie émotionnelle. Il pouvait apaiser des centaines d’hommes à la fois, à supposer qu’ils soient rassemblés assez près et qu’il se concentre sur des émotions simples. Même Kelsier n’avait pas réussi à influencer de tels nombres.

Cependant, il n’était pas en mesure pour autant de s’occuper de l’intégralité du groupe de soldats, si bien qu’il devait les diviser en sections. Alors qu’il se concentrait sur le nouveau groupe, il vit ceux qu’il venait de quitter commencer à faiblir à mesure que leur anxiété reprenait le dessus.

Quand les portes vont céder, ces hommes vont s’éparpiller.

Les portes résonnèrent. Les hommes se rassemblèrent sur les remparts, jetant des rochers, tirant des flèches, se battant avec une absence de discipline nourrie par la panique. De temps en temps, un officier se frayait un chemin parmi eux, braillait des ordres, s’efforçait de coordonner leurs efforts, mais Brise était trop loin pour comprendre ce qu’il disait. Il voyait simplement la masse chaotique des hommes bouger, hurler et tirer.

Et bien sûr, il voyait les tirs de riposte. Des rochers fendaient l’air, lancés d’en bas, dont certains allaient se fracasser contre les remparts. Brise s’efforça de ne pas penser à ce qui se trouvait de l’autre côté du mur, aux milliers de koloss déchaînés. De temps à autre, un soldat tombait. Du sang coulait dans la cour depuis plusieurs sections de remparts.

— Peur, anxiété, terreur…, murmura Brise.

Allrianne s’était échappée. Vin, Elend et Spectre étaient en sécurité. Il devait se concentrer sur ces victoires. Merci, Sazed, de nous avoir convaincus de les éloigner.

Un claquement de sabots retentit derrière lui. Sans cesser d’apaiser les hommes, Brise se retourna pour voir Clampin approcher de lui à cheval. Le général se tenait en selle en une posture affaissée et voûtée et toisait les soldats d’un seul œil, gardant l’autre constamment plissé.

— Ils s’en sortent bien, déclara-t-il.

— Mon cher, répondit Brise. Ils sont terrifiés. Même ceux que j’apaise regardent ces portes comme une sorte de gouffre effrayant qui s’apprête à les aspirer.

Clampin toisa Brise.

— On est d’humeur poétique aujourd’hui ?

— Le désastre imminent produit toujours cet effet sur moi, répondit Brise tandis que les portes tremblaient. Quoi qu’il en soit, je doute que les hommes s’en sortent « bien ».

Clampin grogna.

— Ils sont toujours nerveux avant un combat. Mais ce sont de braves gars. Ils vont tenir le coup.

Les portes frémirent, tremblèrent, commencèrent à se fendiller sur les bords. Ces charnières ne vont jamais résister…, se dit Brise.

— J’imagine que vous ne pouvez pas apaiser ces koloss ? demanda Clampin. Pour les rendre un peu moins féroces ?

Brise secoua la tête.

— Apaiser ces bêtes n’a aucun effet. J’ai déjà essayé.

Ils se turent de nouveau, écoutant le bruit des portes qu’on malmenait. Puis Brise se tourna vers Clampin qui se dressait, impassible, sur son cheval.

— Tu as déjà pris part à des combats, lui dit-il. Souvent ?

— Par intermittences, pendant pas loin de vingt ans, quand j’étais jeune, répondit Clampin. Des combats contre des rebelles dans des dominats lointains, contre les nomades dans les landes. Le Seigneur Maître était très doué pour empêcher que ces conflits s’ébruitent.

— Et… comment vous en sortiez-vous ? demanda Brise. Vous étiez toujours victorieux ?

— Toujours, répondit Clampin.

Brise sourit légèrement.

— Bien sûr, reprit Clampin en jetant un coup d’œil à Brise, c’était nous qui avions les koloss de notre côté. Ces bêtes-là sont sacrément dures à tuer.

Génial, songea Brise.

 

Vin courait.

Elle n’avait fait qu’une fois auparavant l’expérience de « l’abus de potin » – avec Kelsier, deux ans plus tôt. Lorsqu’on brûlait du potin en l’attisant de manière régulière, on pouvait filer à une incroyable vitesse – comme un coureur au plus fort de la dernière ligne droite – sans même se fatiguer.

Cependant, le processus n’était pas sans effets sur le corps. Le potin lui permettait de continuer d’avancer, mais réprimait également sa fatigue naturelle. Cette juxtaposition lui émoussait l’esprit, la plongeant dans une sorte de transe d’énergie épuisée. Son esprit brûlait de se reposer, mais son corps continuait à courir, courir, courir encore, suivant le chemin de touage du canal vers le sud. Vers Luthadel.

Vin s’était cette fois préparée aux effets de l’abus de potin et les aborda donc bien mieux. Elle lutta contre la transe, restant concentrée sur son but plutôt que sur les mouvements répétitifs de son corps. Cependant, cette concentration fit naître en elle des pensées dérangeantes.

Pourquoi est-ce que je fais ça ? se demanda-t-elle. Pourquoi me forcer comme ça ? Comme l’a dit Spectre, Luthadel doit déjà être tombée. Il n’y a pas d’urgence.

Et pourtant, elle courait.

Des images de mort lui traversaient l’esprit. Ham, Brise, Dockson, Clampin et ce cher Sazed. Les premiers véritables amis qu’elle ait jamais connus. Elle aimait Elend, et une partie d’elle bénissait les autres pour l’avoir envoyé en sécurité. Cependant, une autre partie leur en voulait affreusement de l’avoir éloignée, elle. Cette fureur la guidait.

Ils m’ont laissée les abandonner. Ils m’y ont obligée !

Kelsier avait passé des mois à lui apprendre la confiance. Les derniers mots qu’il lui avait adressés de son vivant étaient des paroles accusatrices, et elle n’était jamais parvenue à leur échapper. Tu as encore beaucoup à apprendre sur l’amitié, Vin.

Il avait ensuite risqué sa vie pour protéger Spectre et OreSeur, puis combattu – et fini par vaincre – un Inquisiteur d’Acier. Il avait agi alors même que Vin affirmait qu’il ne servait à rien de courir ce risque.

Elle avait eu tort.

Comment ont-ils osé ! pensa-t-elle, des larmes lui coulant sur les joues tandis qu’elle fonçait le long du chemin de touage du canal. Le potin lui prêtait un équilibre inhumain, et la vitesse – qui aurait été dangereuse pour n’importe qui d’autre – lui paraissait naturelle. Elle ne trébuchait pas, ne tombait pas, mais un observateur extérieur aurait jugé une telle vitesse imprudente.

Des arbres défilaient à toute allure. Elle enjambait les reliefs du terrain. Elle courait comme elle ne l’avait fait qu’une fois auparavant, se forçant encore davantage que ce jour-là. La première fois, elle n’avait couru que pour suivre l’allure de Kelsier. À présent, pour ceux qu’elle aimait.

Comment ont-ils osé ! se dit-elle à nouveau. Comment ont-ils osé ne pas me donner la même chance qu’à Kelsier ! Comment ont-ils osé refuser ma protection, refuser de me laisser les aider !

Son potin commençait à s’épuiser, et elle ne courait que depuis quelques heures. Elle avait bien dû parcourir l’équivalent d’une journée entière de marche lors de ces quelques heures. Mais, d’une certaine façon, elle savait que ça ne suffirait pas. Ils étaient déjà morts. Elle arriverait trop tard, tout comme la première fois qu’elle avait couru, des années auparavant. Trop tard pour sauver leur armée. Pour sauver ses amis.

Vin continua à courir. Et à pleurer.

 

— Comment en sommes-nous arrivés là, Clampin ? demanda Brise, qui se trouvait toujours dans la cour devant le portail malmené.

Il était à dos de cheval au milieu d’un mélange de neige et de cendres tombant du ciel. Le mouvement simple et silencieux du blanc et noir mêlés paraissait contredire les hurlements des hommes, le sort infligé à la porte, les chutes de pierres.

Clampin le regarda, songeur. Brise continua à lever les yeux vers la cendre et la neige. Noir et blanc. Qui tombaient paresseusement.

— Nous ne sommes pas des hommes de principe, poursuivit Brise. Nous sommes des voleurs. Des cyniques. Vous, un homme lassé de suivre les ordres du Seigneur Maître, déterminé à monter en grade pour une fois. Moi, un homme à la morale fluctuante qui adore jouer avec les autres et leurs émotions. Comment nous sommes-nous retrouvés ici ? À la tête d’une armée, en train de lutter pour la cause d’un idéaliste ? Les hommes comme nous ne devraient pas être des meneurs.

Clampin regarda les soldats dans la cour.

— Alors on doit être idiots, tout simplement, dit-il enfin.

Brise hésita, puis remarqua la lueur qui pétillait dans les yeux de Clampin. Cette étincelle d’humour, difficile à percevoir tant qu’on ne le connaissait pas très bien. C’était cette étincelle qui disait la vérité – qui désignait Clampin comme un homme d’une rare lucidité.

Brise sourit.

— Sans doute. Comme je le disais, c’est la faute de Kelsier. Il a fait de nous des idiots capables de mener une armée condamnée.

— Le salaud, répondit Clampin.

— Ah ça, commenta Brise.

Cendre et neige tombaient toujours. Les hommes hurlaient, alarmés.

Et les portes cédèrent d’un coup.

 

— La porte est a été défoncée, Maître Terrisien ! s’exclama le messager de Dockson, qui s’accroupit près de Sazed en haletant légèrement.

Ils étaient tous deux assis sous le parapet, écoutant les koloss marteler leur propre porte. Celle qui venait de tomber devait être la Porte de Zinc, du côté est de Luthadel.

— La Porte de Zinc est la mieux défendue, dit doucement Sazed. Ils parviendront à la garder, je crois.

Le messager hocha la tête. De la cendre soufflait le long du rempart, s’entassait dans les fissures et renfoncements de la pierre, noire surface à peine dérangée par endroits par un peu de neige blanc d’os.

— Voulez-vous que je rapporte quoi que ce soit à lord Dockson ? demanda le messager.

Sazed hésita, balayant du regard les défenses de son mur. Il était descendu de la tour de guet pour rejoindre les rangs des soldats ordinaires. Ils étaient tombés à court de pierres, mais les archers s’activaient toujours. Il jeta un coup d’œil par-dessus le bord du mur et vit s’empiler les cadavres de koloss. Toutefois, il vit également la surface fendillée de la porte. C’est incroyable qu’ils arrivent à maintenir une telle rage aussi longtemps, se dit-il en se baissant de nouveau. Les créatures continuaient à hurler comme des chiens sauvages.

Il se rassit contre la pierre humide, les orteils engourdis, frissonnant à cause de la froideur du vent. Il puisa dans son cerveau de laiton pour en extraire la chaleur qu’il y avait entreposée, et son corps se retrouva soudain envahi d’une agréable sensation de tiédeur.

— Dites à lord Dockson que je crains pour les défenses de cette porte, dit doucement Sazed. Les meilleurs hommes ont été réquisitionnés pour aider aux portes de l’est, et je n’ai guère confiance en notre chef. Si lord Dockson pouvait envoyer quelqu’un d’autre prendre le commandement, ce serait pour le mieux, je crois.

Le messager hésita.

— Qu’y a-t-il ? s’enquit Sazed.

— N’est-ce pas la raison pour laquelle il vous a envoyé, Maître Terrisien ?

Sazed fronça les sourcils.

— Veuillez lui dire que j’ai encore moins confiance en mes propres capacités à diriger… ou à me battre… qu’en celles de notre commandant.

Le messager hocha la tête et descendit les marches pour rejoindre son cheval. Sazed eut un mouvement de recul lorsqu’un rocher atteignit le mur juste au-dessus de lui. Par les dieux oubliés…, songea-t-il en se tordant les mains. Qu’est-ce que je fais ici ?

Il vit du mouvement sur le mur près de lui, et se retourna pour apercevoir le jeune capitaine – le capitaine Bedes – s’avancer vers lui, prenant soin de garder la tête baissée. Avec sa haute taille et l’épaisse chevelure qui lui retombait autour des yeux, il paraissait dégingandé malgré son armure. Il aurait semblé plus à sa place en train de danser à des bals qu’à mener des soldats au combat.

— Qu’a dit le messager ? demanda Bedes, nerveux.

— La Porte de Zinc est tombée, milord, répondit Sazed.

Le jeune capitaine pâlit.

— Qu’est-ce… Qu’est-ce que nous devons faire ?

— Pourquoi me poser la question, milord ? C’est vous qui commandez.

— Je vous en supplie, insista l’homme en saisissant le bras de Sazed. Je ne… Je…

— Milord, répondit Sazed d’une voix sévère, se forçant à contenir sa propre nervosité. Vous êtes un aristocrate, n’est-ce pas ?

— Oui…

— Dans ce cas, vous avez l’habitude de donner des ordres. Faites-le, et tout de suite.

— Quels ordres ?

— Peu importe, répondit Sazed. Montrez à ces hommes que vous commandez.

Le jeune homme hésita, puis se baissa avec un cri aigu tandis qu’un rocher atteignait un des archers tout proche à l’épaule, le renversant en arrière dans la cour. En bas, les hommes s’écartèrent tant bien que mal pour l’éviter, et Sazed remarqua alors quelque chose de curieux. Un groupe s’était rassemblé au fond de la cour. Des civils – des skaa – aux habits tachés de cendre.

— Que font-ils ici ? interrogea Sazed. Ils devraient se cacher, et non pas rester exposés ici pour servir de proies aux koloss une fois que ces créatures se seront infiltrées !

— Une fois qu’elles se seront infiltrées ? demanda le capitaine Bedes.

Sazed l’ignora. Les civils, il pouvait s’en occuper. Il avait l’habitude de commander aux serviteurs des nobles.

— Je vais aller leur parler, déclara-t-il.

— Oui…, répondit Bedes. Ça me semble une bonne idée.

Sazed descendit les marches, qui devenaient humides et glissantes d’une gadoue de cendre et de neige fondue, puis s’approcha du groupe. Ils étaient encore plus nombreux qu’il ne l’avait cru ; ils se déployaient jusque dans la rue un peu plus loin. Au nombre d’une centaine, ils se tenaient serrés les uns contre les autres et observaient les portes à travers les chutes de neige, souffrant visiblement du froid. Sazed se sentit coupable de jouir de la chaleur que lui prêtait son cerveau de laiton.

Plusieurs personnes baissèrent la tête à son approche.

— Que faites-vous ici ? demanda-t-il. Je vous en prie, vous devez aller vous abriter. Si vos foyers sont proches de la cour, allez vous cacher près du centre-ville. Les koloss commenceront sans doute à tout saccager dès qu’ils en auront fini avec l’armée, et les bords de la ville sont donc plus dangereux.

Aucun ne fit mine de bouger.

— Je vous en prie ! répéta Sazed. Il faut que vous partiez. Si vous restez, vous allez mourir !

— Nous ne sommes pas ici pour mourir, Premier Témoin Sacré, répondit un vieil homme du premier rang. Mais pour regarder tomber les koloss.

— Tomber ? demanda Sazed.

— La Dame Héritière vous protégera, répondit une femme.

— Elle a quitté la ville ! s’exclama Sazed.

— Dans ce cas, nous allons vous regarder, Premier Témoin Sacré, répondit l’homme en s’appuyant d’une main sur l’épaule d’un jeune garçon.

— Premier Témoin Sacré ? répéta Sazed. Pourquoi m’appeler par ce nom ?

— Vous êtes celui qui nous a apporté la nouvelle de la mort du Seigneur Maître, répondit l’homme. Vous avez donné à la Dame Héritière la lance dont elle s’est servie pour tuer notre Seigneur. Vous avez été témoin de ses actes.

Sazed secoua la tête.

— C’est peut-être vrai, mais je ne suis pas digne de vénération. Je n’ai rien d’un saint homme, je ne suis qu’un…

— Un témoin, reprit le vieil homme. Si l’Héritière doit se joindre à cette bataille, elle apparaîtra près de vous.

— Je… suis désolé, répondit Sazed en rougissant.

Je l’ai éloignée d’ici. J’ai envoyé votre divinité en lieu sûr.

Le groupe l’observait, un éclat d’adoration au fond des yeux. C’était mal ; ils n’auraient pas dû le vénérer. Il n’était qu’un simple observateur.

Mais était-ce vraiment le cas ? Il s’était lui-même impliqué dans toute cette histoire. Tindwyl l’avait indirectement mis en garde. À présent que Sazed avait participé aux événements, il était devenu à son tour un objet de culte.

— Vous ne devriez pas me regarder de cette façon, déclara-t-il.

— La Dame Héritière dit la même chose, répliqua le vieil homme avec le sourire, soufflant une haleine blanche dans l’air froid.

— C’est différent, rectifia Sazed. Elle est…

Il s’interrompit et se retourna lorsqu’il entendit des cris derrière lui.

Sur le rempart, les archers faisaient de grands signes alarmés, et le jeune capitaine Bedes se précipitait vers eux. Mais qu’est-ce qui…

Une créature bestiale à la peau bleue se hissa soudain sur le rempart, la peau dégoulinant d’un sang écarlate. Elle repoussa un archer surpris, puis saisit le capitaine Bedes par le cou et le jeta en arrière. Le jeune homme disparut et tomba vers les koloss qui se trouvaient en bas. Même de loin, Sazed l’entendit hurler. Un deuxième koloss grimpa sur le rempart, suivi d’un troisième. Les archers abasourdis reculèrent avec un tel empressement que certains en renversèrent d’autres au bas du mur.

Les koloss sont en train de sauter/monter, comprit Sazed. Ils ont dû entasser assez de cadavres en bas. Mais pourtant, à une telle hauteur…

Des créatures de plus en plus nombreuses se hissaient sur le mur. C’étaient les plus grands de ces monstres, ceux qui dépassaient les trois mètres de hauteur, ce qui ne les rendait que plus à même d’écarter les archers qui se trouvaient sur leur chemin. Des hommes tombaient dans la cour, et les coups redoublèrent au niveau des portes.

— Partez ! s’écria Sazed en faisant signe aux gens qui se trouvaient derrière lui.

Certains reculèrent. La plupart tinrent bon.

Paniqué, Sazed se retourna vers les portes. Le bois commençait à se fendre, et des éclats traversaient l’air chargé de neige et de cendre. Les soldats reculaient avec des postures effrayées. Enfin, la barre se brisa avec un craquement et la porte droite s’ouvrit brusquement. Une masse déchaînée de koloss hurlants, ensanglantés, s’avança tant bien que mal sur la pierre humide.

Les soldats lâchèrent leurs armes et s’enfuirent. D’autres restèrent, pétrifiés de terreur. Sazed se tenait derrière eux, entre les soldats horrifiés et la foule des skaa.

Je ne suis pas un guerrier, se dit-il, les mains tremblantes tandis qu’il observait les monstres. Il avait déjà eu bien du mal à rester calme à l’intérieur de leur camp. Mais alors qu’il les regardait hurler – brandissant leurs épées massives, la peau déchirée et ensanglantée, tandis qu’ils fondaient sur les soldats humains –, Sazed sentit son courage commencer à le déserter.

Mais si je n’interviens pas, personne d’autre ne le fera.

Il puisa dans son potin.

Ses muscles enflèrent. Il puisa généreusement dans son cerveau d’acier tout en se précipitant, prélevant davantage de force qu’il l’avait jamais fait. Il avait passé des années à l’emmagasiner, trouvant rarement l’occasion de l’utiliser.

Son corps se transforma, ses faibles bras d’érudit cédant la place à des membres massifs et volumineux. Sa poitrine s’élargit, se bomba, et ses muscles se tendirent sous l’effet de la puissance. Il avait passé des jours entiers à être frêle et fragile pour préparer cet unique instant. Il bouscula les rangs des soldats pour se frayer un chemin, passa sa robe par-dessus sa tête lorsqu’elle commença à le gêner, et se retrouva vêtu d’un pagne minimaliste.

Le chef des koloss se retourna pour se retrouver face à une créature faisant presque sa taille. Malgré sa fureur et son inhumanité, la bête se figea, une lueur de surprise brillant dans ses yeux rouges en boutons de bottine.

Sazed lui assena un coup de poing. Il ne s’était pas entraîné à faire la guerre et ne connaissait quasiment rien au combat. Pourtant, à cet instant précis, son absence d’expérience importait peu. Le visage de la créature se replia autour de son poing et son crâne se fêla.

Sazed se retourna sur ses jambes épaisses pour regarder les soldats stupéfaits. Dis quelque chose de courageux ! s’exhorta-t-il.

— Battez-vous ! hurla Sazed, surpris par la puissance et la gravité soudaines de sa voix.

Et, à sa grande surprise, ils lui obéirent.

 

Vin tomba à genoux, épuisée, sur la grand-route boueuse et imprégnée de cendre. Ses doigts et ses genoux s’enfoncèrent dans cette gadoue glaciale, mais elle s’en moquait bien. Elle resta simplement agenouillée, la respiration sifflante. Elle ne pouvait plus courir. Elle était à court de potin. Ses poumons brûlaient et ses jambes lui faisaient mal. Elle avait envie de s’effondrer et de se recroqueviller en toussant.

C’est simplement l’abus de potin, se dit-elle avec insistance. Elle avait exigé énormément de son corps, mais n’avait pas encore dû le payer jusque-là.

Elle toussa un moment tout en geignant, puis plongea une main dégoulinante dans sa poche pour en tirer ses deux derniers flacons. Ils contenaient un mélange des huit métaux de base, plus le duralumin. Leur potin lui permettrait de continuer encore un moment…

Mais pas assez longtemps. Elle se trouvait encore à des heures de Luthadel. Même avec le potin, elle n’arriverait que bien après la tombée de la nuit. Elle soupira, rangea ses flacons et se força à se relever.

Qu’est-ce que je ferais si j’arrivais ? se demanda-t-elle. Pourquoi tant d’efforts ? Est-ce que je suis si impatiente de me battre à nouveau ? De massacrer à nouveau ?

Elle savait qu’elle n’arriverait jamais à temps pour la bataille. En fait, les koloss avaient sans doute attaqué plusieurs jours auparavant. Malgré tout, elle s’inquiétait. Les images atroces de l’assaut du bastion de Cett lui revenaient toujours par bribes. Les choses qu’elle avait faites. Les morts qu’elle avait provoquées.

Et pourtant, quelque chose avait désormais changé pour elle. Elle acceptait son rôle de couteau. Mais qu’était un couteau, sinon un outil ? On pouvait l’utiliser pour faire le bien comme le mal ; il pouvait tuer comme protéger.

Toutefois, la question ne se posait pas, compte tenu de son état de faiblesse. Elle avait du mal à empêcher ses jambes de trembler tandis qu’elle attisait son étain pour s’éclaircir les pensées. Elle se tenait sur la grand-route impériale, une voie détrempée et grêlée de trous qui paraissait – sous les chutes de neige paresseuse – s’avancer en serpentant à l’infini. Elle longeait de près le canal impérial, large mais vide, qui ressemblait à une entaille sinueuse à travers le paysage.

Un peu plus tôt, avec Elend, cette route lui avait semblé nouvelle et joyeuse. À présent, elle paraissait sombre et déprimante. Le Puits palpitait, et ses pulsations gagnaient en intensité à chaque pas qui la rapprochait de Luthadel. Mais pas assez vite, cependant. Pas assez pour qu’elle empêche les koloss de prendre la ville.

Pas assez vite pour ses amis.

Je suis désolée…, se dit-elle, claquant des dents, tout en resserrant sa cape autour d’elle, à présent que le potin ne l’aidait plus à lutter contre le froid. Je suis sincèrement désolée de vous avoir abandonnés.

Elle aperçut au loin une colonne de fumée. Elle regarda à l’est, puis à l’ouest, sans distinguer grand-chose. Le paysage plat était voilé par la neige cendreuse.

Un village, songea son esprit encore engourdi. Un des nombreux villages de cette zone. Luthadel était de loin la ville la plus importante de ce petit dominat, mais il y en avait d’autres. Elend n’avait pas totalement réussi à protéger les villages du banditisme, mais ils s’en étaient bien mieux sortis que les villes d’autres régions de l’Empire Ultime.

Vin s’avança d’un pas instable, traversant les flaques de gadoue noire en direction du village. Au bout d’un quart d’heure de marche, elle quitta la grand-route pour emprunter une route latérale menant au village. Il était petit, même d’après les normes des skaa. Rien qu’une poignée de masures et deux ou trois édifices plus élégants.

Pas une plantation, se dit Vin. C’était autrefois une étape – un endroit où les nobles s’arrêtaient pour la soirée quand ils voyageaient. Le petit manoir – qui avait dû appartenir à un petit propriétaire terrien de l’aristocratie – était plongé dans l’obscurité. Cependant, de la lumière filtrait par les interstices de deux des masures skaa. Le climat morose avait dû convaincre les gens de terminer tôt leur travail.

Vin frissonna en se dirigeant vers l’un des bâtiments, et ses oreilles affinées par l’étain distinguèrent des conversations à l’intérieur. Elle s’arrêta pour mieux écouter. Des enfants riaient, des hommes bavardaient avec entrain. Elle flaira l’odeur d’un repas du soir en train de mijoter – un simple ragoût de légumes.

Des skaa… en train de rire, songea-t-elle. Une masure comme celle-là devait être un endroit où régnaient peur et morosité du temps du Seigneur Maître. Les skaa heureux étaient considérés comme des skaa qui ne travaillaient pas assez.

Nous avons représenté quelque chose. Tout ce qu’on a accompli a compté.

Mais est-ce que ça justifiait la mort de ses amis ? La chute de Luthadel ? Sans la protection d’Elend, même ce petit village serait bientôt repris par l’un ou l’autre tyran.

Je refuse de renoncer, comprit-elle en se redressant. Je refuse d’accepter leur mort tant que je ne tiendrai pas leurs corps dans mes bras.

Elle leva la main et cogna à la porte. Aussitôt, les bruits cessèrent à l’intérieur. Vin éteignit son étain tandis que la porte s’ouvrait en grinçant. Les skaa, surtout ceux de la campagne, étaient des créatures timorées. Elle allait sans doute devoir…

— Oh, pauvre petite ! s’exclama la femme en ouvrant grand la porte. Venez vous abriter de la neige. Que faites-vous ici ?

Vin hésita. Cette femme était vêtue simplement, mais ses habits étaient bien conçus afin de la protéger du froid. Au centre de la pièce, le feu dégageait une chaleur bienvenue.

— Mon enfant ? répéta la femme.

Derrière elle, un homme robuste et barbu se leva pour poser la main sur son épaule et étudier Vin.

— Du potin, s’empressa de répondre Vin. J’ai besoin de potin.

Le couple échangea des regards songeurs. Ils devaient croire qu’elle n’avait plus toute sa tête. Après tout, à quoi devait-elle ressembler avec ses cheveux trempés par la neige, ses habits mouillés où s’était collée la cendre ? Elle ne portait qu’une simple tenue de monte – un pantalon et une cape quelconques.

— Pourquoi ne pas entrer, mon enfant ? suggéra l’homme. Manger quelque chose. Ensuite, vous pourrez nous dire d’où vous venez. Où sont vos parents ?

Seigneur Maître ! se dit Vin, contrariée. Je n’ai quand même pas l’air si jeune que ça ?

Elle apaisa le couple pour supprimer chez eux toute inquiétude et toute méfiance. Puis elle exalta leur envie de l’aider. Sans être aussi douée que Brise, elle ne manquait pas de pratique pour autant. Le couple se détendit aussitôt.

— Je n’ai pas beaucoup de temps, déclara-t-elle. Du potin.

— Le lord avait des couverts d’excellente qualité chez lui, répondit l’homme d’une voix lente. Mais nous en avons échangé une grande partie contre des habits et du matériel de ferme. Je crois qu’il reste deux ou trois gobelets. Maître Cled – notre aîné – les conserve dans l’autre masure.

— Ça conviendra peut-être, répondit Vin.

Mais le métal n’aura sans doute pas été préparé avec les pourcentages allomantiques adéquats. Il contiendrait probablement trop d’argent ou pas assez d’étain, ce qui diminuerait l’efficacité du potin.

Le couple fronça les sourcils, puis se retourna vers les autres occupants de la masure.

Vin sentit le désespoir comprimer de nouveau sa poitrine. Mais qu’est-ce qui lui prenait ? Même à supposer que l’alliage soit correct, il faudrait du temps pour en prélever assez de copeaux pour l’aider à courir. Le potin brûlait relativement vite. Il lui en faudrait une grande quantité. Sa préparation risquait de lui prendre presque plus de temps qu’une simple marche jusqu’à Luthadel.

Elle se retourna pour regarder au sud, à travers le ciel sombre et neigeux. Même avec le potin, il lui faudrait encore plusieurs heures de course. Ce qu’il lui aurait fallu en réalité, c’était un de ces chemins constitués par des pointes plantées dans le sol, sur lesquelles un allomancien pouvait prendre appui et se projeter dans les airs en continu. Sur un chemin similaire, elle avait un jour voyagé de Luthadel à Fellise – un trajet de une heure en voiture – en moins de dix minutes.

Mais il n’y en avait aucun menant de ce village à Luthadel ; il n’y en avait même pas le long des principales voies fluviales. Ils étaient trop difficiles à mettre en place, et destinés à un usage trop spécifique, pour mériter qu’on les installe sur de longues distances…

Vin se retourna, ce qui fit sursauter le couple de skaa. Peut-être avaient-ils remarqué les poignards à sa ceinture, ou l’éclat de son regard, mais ils ne paraissaient plus aussi amicaux que l’instant d’avant.

— C’est une écurie ? s’enquit Vin en désignant l’un des bâtiments obscurs.

— Oui, répondit l’homme d’une voix hésitante. Mais nous n’avons pas de chevaux. Seulement quelques chèvres et quelques vaches. Vous n’aimeriez tout de même pas…

— Des fers à cheval, répondit Vin.

L’homme fronça les sourcils.

— J’ai besoin de fers à cheval, répéta-t-elle. En grande quantité.

— Suivez-moi, dit-il en réaction à son Apaisement.

Il la conduisit à l’extérieur, dans la froideur de l’après-midi. D’autres les suivirent, et Vin remarqua que quelques-uns des hommes portaient des gourdins avec désinvolture. Peut-être n’y avait-il pas que la protection d’Elend qui avait permis à ces gens d’avoir la paix.

L’homme costaud projeta tout son poids contre la porte de l’écurie pour la pousser sur le côté. Puis il désigna un tonneau à l’intérieur.

— Ils étaient en train de rouiller, de toute façon, commenta-t-il.

Vin s’approcha du tonneau et en tira un fer pour en tester le poids. Puis elle le lança devant elle et y exerça une vigoureuse Poussée renforcée par l’acier. Le fer décrivit un arc de cercle à toute allure, et alla s’écraser dans une flaque une centaine de pas plus loin.

Parfait, se dit-elle.

Les skaa la regardaient fixement. Vin plongea la main dans sa poche et en tira l’un de ses flacons de métaux, dont elle vida le contenu pour restaurer son niveau de potin. Il ne lui en restait pas beaucoup selon les critères de sa consommation actuelle, mais elle disposait de fer et d’acier en abondance. Tous deux brûlaient lentement. Elle pouvait exercer Poussées et Tractions sur les métaux pendant quelques heures encore.

— Préparez votre village, leur dit-elle tout en brûlant du potin et en sélectionnant dix fers à cheval. Luthadel est assiégée – il se peut qu’elle soit déjà tombée. Si vous apprenez que c’est le cas, je vous suggère d’emmener tout le monde et de partir vers Terris. Suivez le canal impérial tout droit vers le nord.

— Qui êtes-vous ? demanda l’homme.

— Personne d’important.

Il hésita.

— Vous êtes elle, n’est-ce pas ?

Elle n’eut pas besoin de lui demander ce qu’il voulait dire. Elle se contenta de laisser tomber un fer à cheval par terre derrière elle.

— Oui, répondit-elle tout bas, avant de se propulser en prenant appui sur le fer.

Aussitôt, elle s’éleva en biais dans les airs. Alors qu’elle commençait à redescendre, elle laissa tomber un autre fer à cheval. Cependant, elle attendit de se trouver près du sol pour prendre appui sur celui-là ; elle devait plus avancer que s’élever.

Elle avait déjà fait tout ça. Ce n’était pas très différent de l’usage qu’elle faisait des pièces pour progresser par sauts. L’astuce consisterait à rester en mouvement. Tandis qu’elle exerçait une Poussée sur le deuxième fer à cheval, se propulsant de nouveau dans l’air enneigé, elle tendit la main derrière elle et exerça une vigoureuse Traction sur le premier.

Le fer n’étant fixé à rien, il bondit dans les airs à sa suite, franchissant cette distance dans le ciel tandis que Vin laissait tomber un troisième fer à terre. Elle lâcha le premier, dont la vitesse acquise le porta à travers les airs au-dessus de sa tête. Il tomba par terre tandis qu’elle prenait appui sur le troisième fer et rappelait le deuxième, à présent loin derrière elle.

Ça ne va pas être facile, se dit-elle, fronçant les sourcils sous l’effet de la concentration tandis qu’elle passait au-dessus du premier fer et y prenait appui. Cependant, elle n’obtint pas le bon angle et tomba trop loin avant d’exercer une Poussée. Le fer fila derrière elle, sans lui donner assez d’élan pour la maintenir dans les airs. Elle heurta violemment le sol, mais attira aussitôt le fer à elle et réessaya.

Les premières tentatives furent lentes. Le plus gros problème consistait à trouver le bon angle de descente. Elle devait viser le fer avec une grande précision, et y exercer une force descendante suffisante pour le maintenir en place, mais avec assez d’élan pour lui permettre de continuer à avancer dans la bonne direction. Elle dut atterrir souvent lors de cette première heure, revenir en arrière pour aller chercher les fers. Mais elle n’avait pas beaucoup de temps pour expérimenter, et sa détermination la poussait à chercher comment s’y prendre au mieux.

Enfin, elle parvint à fonctionner efficacement avec trois fers ; elle était aidée par l’humidité du sol, et le fait que son poids enfonce les fers dans la boue, lui fournissant ainsi un point d’ancrage plus solide lorsqu’elle se propulsait en avant. Elle parvint bientôt à ajouter un quatrième fer. Plus la fréquence de ses Poussées – et le nombre de fers sur lesquels elle s’appuyait – augmenterait, plus vite elle irait.

Une heure après son départ du village, elle ajouta un cinquième fer. Le résultat fut un mouvement continu de morceaux de métal. Vin alterna Tractions, Poussées, Tractions, Poussées, progressant avec une ténacité sans faille, jonglant avec les fers pour se propulser dans les airs.

Le sol défilait à toute allure et les fers à cheval se succédaient dans les airs au-dessus d’elle. Le vent se mit à gronder à mesure qu’elle accélérait en direction du sud. Elle n’était plus qu’un tourbillon de métal et de mouvements – comme l’avait été Kelsier, vers la fin, lorsqu’il avait tué l’Inquisiteur.

Sauf que le métal de Vin n’était pas destiné à tuer, mais à sauver. Je n’arriverai peut-être pas à temps, se dit-elle tandis que l’air sifflait à ses oreilles. Mais je ne compte pas renoncer à mi-chemin.

Le puits de l'ascension
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